Dire du bien du Mal

Publié le par L'éLément N

... ça ne va pas être de la tarte ! (je sais c'est le Ramadan, je vous promets que ce sera le dernier mot que j'emprunterai au jargon culinaire) mais j'aime les missions qu'on croit impossibles. C'est d'ailleurs la mode que vêtiront mes posts en cette collection ramadanesque. Et à ta demande cher lecteur en quête de transe spirituelle, je limiterai l'humour pour laisser la place à la profondeur, la transition ne se sentira même pas..

Bien ! alors allons-y, je vous préviens quand même que c'est très long ! (le cumul de 15 jours de retard; à bon entendeur qui ne trouve pas mieux à faire, salut !)

" t'écris trop bien !" c'est le commentaire le plus gentil que j'ai reçu d'une jeune adolescente belle comme le jour, qui, même en ayant mal compris l'inspiration de mon dernier post, en a bien saisi l'essence. C'est encore une adolescente, alors tu conçois bien cher lecteur (désolé chère lectrice mais dorénavant faudra te retrouver dans le masculin, c'est la tendance "unisexe"; tu t'y fera ) que la richesse du vocabulaire ne pouvant être une fierté à cet âge; elle a "choisi" (je n'en suis pas si sûr, mais sa gentillesse mérite qu'on lui laisse le bénéfice du doute) pour exprimer son sentiment, ce mot banal, d'une imprécision terrifiante mais d'une résonance si rassurante : Bien ! (vive les figures de styles)

J'avais décidé d'essayer de dire du bien du Mal pour essayer de comprendre la nécessité de son existence, et pour ce, j'allai étayer ma thèse par plusieurs exemples; mais sur un coup de tête (un grand merci à Swiga pour zerwata), je chavire (pas complètement) pour élargir la discussion. Et comme, en plus, je ne tiens toujours pas mes promesses, je ne changerai pas le titre ! C'est Mal, je sais, mais faut bien être malhonnête parfois. Je vais donc plutôt vous entretenir aujourd'hui de la notion du Bien et du Mal, du moins de la conception que je m'en suis faite du haut de mes 26 printemps.

Entre le Bien et le Mal, l'Homme s'en tire en général bien mal.. C'est une verité, une réalité et un constat ! Pas la peine de vous étaler des arguments puisque vous en êtes la preuve vivante.

J'étais assis l'autre jour dans la salle de repos des médecins, bien occupé à mettre à jour les dossiers de mes patients (désolé cher lecteur si tu ne vois pas le rapport avec ce qui a précédé, fait preuve de patience, avec un peu de chance.. on ne sait jamais !). J'étais donc assis (faudra me faire penser à cesser de m'interrompre à tout bout de champ, j'ai comme le sentiment confus que cela nuit à la clarté de mon exposé !) et en levant la tête j'aperçus une piètre créature toute chétive, la tête inclinée, le regard perdu et les mains dans les poches : un externe de 5ème année dans sa blouse blanche. Il était là, debout dans le couloir - assis au fond de sa pensée, à ne rien faire, se sentant étranger, attendant que quelqu'un vienne vers lui pour lui parler, lui dire, lui donner de la valeur.. Et je me suis identifié en lui, en sa misère du moment, loin du couloir de l'hôpital.. Sur les sentiers de la vie, nous sommes tous des externes.

Alors je me suis avancé vers lui, j'ai fait le premier pas, je lui ai tendu la main, affiché un large sourire en lui souhaitant la bienvenue dans notre service avant de l'inviter à me rejoindre dans la salle des médecins. Ses traits n'étaient plus les mêmes, il était désormais en confiance... ça ne coute rien de faire du Bien !

Pourquoi j'ai fait ça ? je n'en sais rien .. Parce que venir en aide à une personne en détresse est le devoir de tout un chacun et en particulier un médecin ? peut être ...parce qu'on ne l'a jamais fait pour moi et qu'un homme qui a pitié se souvient de lui même ? peut être ... parce que l'externe en question était une charmante demoiselle ? surement. (pas la peine de remonter pour vérifier : oui je lui ai sourit; et je lui ai même serré la main!)
La motivation du Bien est parfois bien mauvaise !

Alors cher lecteur, ce que j'ai fait était Bien ou Mal ? personnellement je ne sais plus ... cet exemple est bien trop simpliste pour prétendre illustrer la Vie par une maxime, mais parfois il vaut mieux ne pas trop compliquer les choses, elles sont déjà assez compliquées comme ça.

Il faut savoir que lorsqu’on recherche quelque chose, que ce soit une vérité universelle ou la paire de chaussettes qui est allée se refaire une beauté mais qui s'est égarée sur le chemin du retour, ce qu’il faut savoir c’est que ce qu'on découvrira ne sera pas toujours ce que l'on voulait entendre : Toute vérité n’est pas bonne à découvrir... Et en particulier celle de l'Homme.

Sous nos entrailles et dans le tréfonds de nos âmes, il est un recoin que même les plus courageux hesitent à aller découvrir car le prix à payer serait de ne plus jamais croire à la surface lisse des choses.. Très peu ont l'âme de l'artiste pour savoir que c'est l'ombre qui donne toute sa valeur à la lumière et que la beauté de l’ange réside souvent dans la noirceur de ces replis.

On peut toujours faire du Bien à partir du Mal : Que se soit en politique comme en poésie, n'est ce pas Voltaire ? Un beau poème reste un beau poème, que ses alexandrins soient destinés à la conjointe ou à la maitresse, le choix et l'assemblage des mots ne perdent pas de leur beauté.

Hier soir je suis rentré chez moi un peu tard, le coeur lourd et les jambes un peu trop épuisées pour pouvoir le porter plus longtemps : J'essaye de m'occuper toute la journée. Je vis à cent à l'heure, j'évite de m'arrêter aux feux rouges, parce que je ne veux pas de répit : je ne veux pas digérer mon passé. Suivant les discontinuités de mon âme, longeant les rives désertes de ma pensée, je ne savais plus quel chemin emprunter pour rentrer chez moi, chez mon père et ma mère, Adam et Eve, au Paradis.
Je me suis perdu en chemin, j'ai perdu contre la Vie. Je n'arrive plus à voir le monde qu'à travers un regard bien humide. Ma vision est désormais trouble et se laisse guider par mes instincts premiers, en quête d'un Enfer plus paisible.

Autour de moi et à l'intérieur, tout est désormais bien sombre. Dans les rues et à l'intérieur, tout est désormais bien vide. La température du corps inférieure à l'amertume. Les volets clos, renfermant le peu de chaleur qui y demeurait, mon coeur était sombre, en manque de lumière affective.
La vie n’est que lumière disait le philosophe .. La mienne n’est que théâtre d’ombres, de couleurs et de formes. Mais où est donc passé le Soleil des grandes plaines où je suis né le jour où j'ai épousé la Foi ? Je repensais à cet enfant merveilleux qu'elle avait réussi à faire de moi, innocent et bon, dont le silence cachait en son sein un soleil trop éblouissant pour le monde des Hommes.

Je marchais donc dans cette nuit, la lumière des lampadaires éclairait les reliefs de mon visage et chaque fenêtre sur ride faisait renaitre de ma mémoire quelques fâcheux souvenirs. Y -a-t-il une beauté dans l’abime ? Heureusement, à l'horizon - lointain mais tout aussi certain - les prémices du Levant m'incitaient à tenir bon.
La foi du coeur est au désespoir du pécheur ce que le soleil du jour est à la noirceur de la nuit... la foi c'est tout ce que j'ai, tout ce qui me reste.

Qui suis-je pour Toi ? Dans quelle liste Eternelle suis-je inscrit ? M'aimes Tu toujours malgré ma négligence ? malgré que je fasse honte à mes ancêtres musulmans ? honte au genre humain, parce que j'ai baissé les bras. Parce que je n'ai plus la force de monter chaque jour sur le ring pour mener ce combat qui n'en fini pas contre la Vie.. à force de perdre, j'ai enfin compris que le combat était truqué d'avance et que je n'avais aucune chance d'espérer gagner, avant même qu'il ne commence.
Le but n'a jamais été de gagner, mais uniquement de se battre, de faire de son mieux ... je sais; mais je n'arrive plus à trouver, comme je l’ai fait jusque là, dans mon mental la force de rester debout quand les genoux me lâchent. Je ne suis plus cet homme qui veut changer le monde, je ne suis plus que cet enfant qui s'est perdu et qui veut juste rentrer chez lui.

Terrassé par la Vie, on se retrouve très souvent à terre, nous avons mal mais cette douleur on la sait moindre que celle que pourrait occasionner tout mouvement de révolte. Alors on adopte cette position antalgique : on reste à terre. On n’ose pas se relever pour éviter de réveiller une blessure ou une fracture, jusque là muette mais certaine … on la sent, alors on s’abandonne.
Il faut savoir rester là un petit moment. Seul, avec sa douleur. Accepter le Mal qu’on nous a fait ainsi que celui que l’on fera pour essayer de se débarrasser de l’emprise asphyxiante du premier.
Mon Dieu ce que le Mal et le Bien sont intriqués ! Dernièrement je n’arrive plus tellement à les différencier, pardonnes moi mes égarements. Pourquoi est-il si difficile de rester droit malgré toutes les bonnes intentions du monde ? Pourquoi le chemin que nous devons parcourir ne nous aide pas ? le droit chemin est parfois si tortueux et tellement de fois quasi inaccessible que l’effort de s’y cramponner devient surhumain.

Ce sont des réponses de Ta part qu'il me faut. Je n'en ai que faire de ce que pensent les Hommes d'ici bas qui se laissent user et ronger par la Haine. Une Haine à en faire déborder tous les fleuves de la Terre mais qui ne se nourrit que de préjugés, infondés mais tellement lourds ... Allégez vous de ces fardeaux, débarrassez vous de vos préjugés et allez courir sur les chemins de la Vie ! ... il y'a encore tellement à faire.

Au fond, il n'y a que Toi tu puisses me comprendre, c'est Toi qui m'a créé. Etranger au sein des Hommes, tel l'Albatros de Baudelaire.. Si seulement tout le monde pouvait comprendre Charles ! .. mais nous manquons de poésie. Je me sens mal ici bas, déchiré entre l'aspiration à l'élévation et la tentation de la chute (physique et morale) : déchiré entre la volonté pour le Bien et l'attirance pour le Mal. Les frontières entre les 2 deviennent de + en + difficiles à individualiser : Le monde m'a appris à devenir myope. J'aime les deux, je les portes en moi; c'est Toi qui me l'as dit; je l'ai lu dans ton Coran.

Je me sens mal, entouré par cent personnes mais sans personne à mes cotés. Devant faire face chaque jour à l'Enfer nauséabond des mots, des regards ... ces gens qui se sont proclamés juges des Hommes, sans procuration, qui édifient des tribunaux et distribuent des sentences et des étiquettes : bon ou mauvais. Ces concierges de l'Au-delà qui connaissent la résidence éternelle de presque tout le monde.

L'autre jour, un "co-religionnaire" mais aussi un ami (précision de taille car malheureusement ils ne sont pas toujours synonymes) - de ces personnes qui aiment s'auto-proclamer "frères" sans en saisir le sens premier (ils n'y voient pas l'Amour, ils y voient surtout la responsabilité voire l'autorité du "grand" frère. Personne n'aime être le "petit" dans l'histoire) - a demandé à me voir; il voulait me parler. Me parler de moi, de la Foi, de Dieu, de ce que je suis devenu, de ce que j'ai pu être à une époque. Me dire que j'ai changé et m'aider à retrouver le "droit chemin".

Mais le problème c'est que moi je n'ai jamais changé. Ce sont les préjugés des gens qui changent. Il pensait que j'étais une personne que je n'ai jamais prétendu être, et là il pense que je suis devenue une autre simplement parce qu'il a découvert qui j'ai toujours été.

Après l'enlaçade rituelle, l'homme me sourit tout en me regardant avec l'insistance et la curiosité d'un journaliste. Il avait gardé les mains sur mes épaules et me dévisageait, à croire qu'il cherchait à déceler quelque chose (le changement surement) ... Et finit par s'exclamer, heureux de s'être trompé : " mais tu n'as pas changé ! " ... Il s'attendait à rencontrer un monstre, il trouva un humain.
Drôle, ce que sont les relations humaines ... Quand l'autre vous regarde, ce n'est pas vous qu'il voit, mais uniquement le miroir des préjugés qu'il a sur vous, ce que d'autres ont bien voulu lui apprendre sur qui vous êtes.

Vides, les hommes ne cessent de soigner par la curiosité le pressant manque qui les étouffe. Au lieu de chercher dans leur profondeur, la vérité de leur Être, ils préfèrent fouiner dans les poubelles du voisin pour révéler au grand jour ses excès. Très peu acceptent de se voir tel qu'ils sont réellement : beau et laid, bon et mauvais, comme tout le monde.

En s'adressant à moi, il prononçait mon prénom en début de chaque phrase.. Un prénom qui appartient à une personne aujourd'hui disparue.
Lui est resté le même, il n'a pas changé. Il est resté cet enfant naïf et simpliste, comme on l'est tous quand la Foi nous adopte : il voit encore le Bien et le Mal en noir et blanc, ne conçoit pas l'infinité des nuances entre les 2. Pour lui, les Hommes sont soient bons soit mauvais, soit des saints soit des pécheurs, jamais les 2 à la fois. Et pour ce, il vous regarde de haut, du haut de ses certitudes, parce que désormais vous n'êtes plus aussi pur qu'il ne l'avait pensé; il oublie que c'est la Vie qui a fait de vous ce sombre cocktail de couleurs.

Mais lui n'y croit pas. Il croit fermement que tout pourrait être pourri mais qu'un homme peut toujours choisir de ne pas l'être. Il vous terrasse de ses certitudes qui ne le sont plus pour vous, elles se sont petit à petit effritées sur les contours un peu trop abruptes de votre parcours.

Mon vécu a fait de moi une personne peut être moins droite, mais plus souple. Les affirmations laissent petit à petit la place au "peut être" et le doute remplace les certitudes. Le gris se forge une place entre le blanc et le noir. Face à une sècheresse meurtrière, il est parfois préférable d'user de l'eau des égouts plutôt que de se contenter d'attendre la pluie du Ciel.
L'avantage d'être flexible c'est qu'on n'est jamais déformé, contrairement aux personnes rigides qui, au moindre choc, cassent ! Et c'est irréparable dans la majorité des cas.

La vie m'a appris à quitter le désert des certitudes infécond pour planter en moi l'arbre fruitier du doute. Elle m'a appris que l'Homme, abimé entre le sang et les larmes, ne peut que perdre sa candeur immaculée.

Mon ami pense qu'en me rappelant à quel point je suis loin de l'Idéal (impossible), il m'aide, me rend service, alors qu'il ne joue que le rôle du spectateur devant une voiture accidentée : il commente, fait un constat des dégâts sans omettre de rappeler que tout cela aurait été facilement évité si l'on avait respecté le code de la route. Il n'a pas tord, mais ce n'est pas pour autant qu'il a raison : Vouloir le bien, mais s'y prendre mal. Je ne peux lui en vouloir.

Qui suis-je ? un aveugle que certains ont voulu prendre pour guide tout simplement. Ce n'est pas pour les autres mais pour moi que je suis un danger. Je me fais peur et je suis à plaindre plus qu'à craindre. Derrière ces mots se cache un homme qui a perdu et qui s'est perdu, avec dans le crâne cette douleur sourde qui irradie dans tout le corps, toujours là pour lui rappeler que la fin approche.

Vivre avec le froid du jugement des autres qui mord jusque dans l'âme, mais continuer à transmettre la chaleur de l'Amour, ne serait ce que pour montrer l'exemple, cela devrait être notre mission entre les Hommes, devant Dieu.
Sortir, pour vivre. Se mélanger, pour apprendre à se connaitre. Prendre le temps de faire du vélo pour profiter du parcours. Ne pas hésiter à en descendre et marcher à coté lorsque la côte est prononcée. Se rendre au marché de la Vie pour vendre le fruit de son passé : troquer ses expériences contre celles des autres. Cet autre qui n'est autre que moi mis dans son contexte à lui.

Le Ramadan étant le mois de la repentance, du retour vers l’Eternel, il serait bon d’y prendre ces résolutions, comme pour une nouvelle année. Puisse celle-ci, comme elle nous ouvre ses bras, nous ouvrir les yeux et les cœurs.

Comme il faut toujours réexpliquer, ceci était un éloge du Bien et non pas une apologie de la faute.. Mais pour connaitre le Bien, il faut avoir connu le Mal.

C'est tout pour aujourd'hui, merci à tous ceux qui font l'effort de comprehension. Chercher à comprendre c’est déjà savoir que l’on sait peu de choses.

Alors cherchez !
... Et n’oubliez pas d’aller dire à tout le monde que rien n'est impossible !

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