ça se discute
Bonsoir,
" Les gouts et les couleurs, ça ne se discute pas ". Réplique classique .. mais qui se discute.
Déjà l'association n'est pas très cohérante : On associe la subjectivité du gout à la vérité de la couleur. De cette manière, les gouts ne sont plus personnels, et donc à respecter, mais deviennent des verités, et donc indiscutables. Que le jaune soit jaune, je veux bien ne pas en discuter (sauf avec mes collègues ophtalmo, nous verrons pourquoi) mais avancer, par exemple, que toutes les femmes noires sont moches, excusez moi celà ne peut qu'être discutable. Le soit-disant goût personnel n'est pas si innocent que celà et cache surement des aprioris et peut même révèler certaine idéologie.
Ensuite, il y a beaucoup de malhonnêteté dans ce genre d'adage. Il faut plutôt y comprendre : " Mes gouts ne sont pas discutables ", car ce n'est que lorsque ce sont nos gouts personnels qui sont matière à analyse que soudainement tous les gouts commencent à se valoir et ce genre d'argument ressort en général pour couper court à une discussion qui ne penche pas en notre faveur.
Croyant, par cette réplique, participer à l'opulence de cette désormais marmite qu'est devenu l'Art, ils ne font que le vider de son sens premier en rendant les gouts non pas des préferences à respecter mais des vérités générales qu'il est interdit de discuter. Or il faut pouvoir en discuter pour qu'on puisse dire : j'aime celà, je prèfere ceci.. Comment voulez-vous discuter convenablement d'oeuvres artistiques avec quelqu'un qui clôt systématiquement la conversation par ce genre de réplique, qui cache souvent un manque d'arguments convainquants à exposer. ça ne rend pas service à l'Art, d'autant plus si cette sentence est utilisée pour justifier l'immoralité, le médiocre, le laid et l'impudeur que connait le domaine artistique contemporain.
Avoir des préferences n'est pas si naturel que l'on aimerait le croire. Celà depend de beaucoup de paramètres : l'education, le milieu socio-économico-culturel (discussions, odeurs et sons quotidiens ..). Les enfants qui, très tôt, ont des tympans qui vibrent au rythme du folklore et des voix pénétrantes des shikhates n'auront pas la même oreille musicale une fois adulte que ces enfants d'aristocrates dont les doigts courtisent les touches du piano depuis l'âge de 5ans. Avoir un père eboueur et avoir les ordures comme jouets est different de grandir dans une pépinière quand maman est parfumeuse. Quand on est initié aux beaux arts, à la musique classique et la litterature lors de sa tendre enfance, on n'écoutera pas plutard de la tecktonik ou de la House (manque à vivre et vide intellectuel comblé par le bruit et le mouvement). Aussi, l'enfant, encore inculte, a un gout particulier pour mélanger le maximum de couleurs alors qu'une fois écrivain il se suffit de sa plume noire. On comprend alors le gout pour les couleurs chez nos campagnardes analphabètes. Ainsi on pourrait expliquer pourquoi on préfère l'amer à l'acide, le sucré au salé, les hommes aux femmes et inversement. Et Si celà est explicable, il ne peut donc être que discutable.
D'autant plus que certains gouts ont des effets nefastes sur la personne. Comment ne seraient-ils donc pas discutables et même criticables ? Certains se ruinent la santé en fumant parce qu'il y trouvent du goût, d'autres vouent une admiration particulière pour les excréments (la coprophagie et la scatophilie) .. Ne serait-il pas préferable de retrouver l'origine de ces goûts et que la psychanalyse les guerisse plutôt que de se contenter de les "respecter" ? D'autres goûts, moins gore en apparence, déteriorent la santé intellectuelle, comme certaines télé-réalité qui sont, à mon avis, discutables et dénonçables.
Interessons-nous maintenant aux couleurs. Le bleu c'est le bleu, point de discussion. Mais il y'a deux notions très importantes que l'on semble ommetre qui sont la Perception et la Convention. La Perception des couleurs peut être atteinte et on parle alors de dyschromatopsie (le vert est perçu comme noir par exemple). Quant à la Convention, elle nous apprend à l'école à mettre des noms de couleurs sur les nuances qu'on perçoit. De là, on comprend facilement que l'on peut percevoir des couleurs différentes, mais que la Convention ramène à nommer du même nom; donc les couleurs se discutent : les daltoniens vous le confirmeront.
En clair, en vert et contre tous, je continuerai à vous en faire voir de toutes les couleurs, surtout aux bleus en matière d'Art, même s'ils voient rouge.
Et c'est tout pour aujourd'hui : )